Compte-rendu « Journée sécurité – Facteurs non techniques – Facteurs humains » – 16 décembre 2023 à Airvault
Animée par Fabrice LEVOYER, moniteur d’Etat et fédéral, membre de la commission technique et sécurité de la FFVL
La formation débute par une vidéo montrant un exemple d’accident d’avion où l’équipage de 3 pilotes s’est trouvé complètement démuni face une panne inconnue, jamais simulée en exercice au sol. Un des pilotes s’est mis à sur-réagir en touchant à toutes les commandes, un autre est resté sidéré et le dernier a pu mettre en place une manœuvre efficace mais trop tardive.
C’est suite à ce type d’accident, sur des avions réputés sans failles et pannes possibles, qu’il y a eu une prise de conscience de l’importance de travailler sur les facteurs non techniques. C’est la seule option réaliste pour augmenter la sécurité et faire baisser le taux d’accidents, que ce soit pour les pilotes d’avions ou de parapente.
Le fonctionnement du cerveau : La partie subconsciente du cerveau est prédominante et gère 90% de nos actions au quotidien. Seul 10% est géré de façon consciente au niveau du néocortex. Tout ce qui est de l’ordre de l’inconscient entraine un pilotage automatique de l’organisme.
L’erreur est normale, elle est humaine. Des tests réalisés avec des pilotes d’avion ont montré qu’ils font une erreur toutes les 10 min. L’erreur est différente de la faute qui s’apparente à une erreur volontaire, à une déviation. Par exemple si tu t’habitues à « dévier » volontairement en ne portant pas de casque pour voler, en te relâchant sur ce point de sécurité, tu as plus de chance de faire des erreurs telles qu’oublier de t’attacher.
Les facteurs non techniques correspondent à 80% des problématiques qui conduisent à des accidents mais sont très peu étudiés et enseignés, la priorité étant donnée aux compétences techniques.
Nombre de morts dans des accidents de parapente : 13 en 2022 et 18 en 2023 à ce jour (aucun mort en accro). Les pilotes concernés sont majoritairement des moniteurs, des pilotes très expérimentés et des nouveaux justes formés en sortie de stage initiation. Le secours sauve la vie. Il n’y a jamais eu de morts sous un secours.
La rose des compétences permet de prendre conscience de l’importance des compétences non techniques. Il est important de ne pas être en déficit sur une de ces compétences (pas de trous dans la raquette !). Les livrets de formation délivrés par la FFVL (et dispos dans l’intranet de chaque pilote) détaillent ces compétences et les savoir-faire associés.
Notion d’homéostasie : équilibre entre nos connaissances, nos représentations, nos positionnements et le risque perçu dans l’activité de vol. Chacun régule et adapte sa pratique pour maintenir l’équilibre, par rapport aux conditions du moment.
Pour apprendre à réguler le stress, la méditation et la cohérence cardiaque sont des outils intéressants (nombreuses vidéos sur internet pour être guidé au début).
Face à un évènement inattendu, qui provoque une peur intense, menace notre intégrité physique et pour lequel aucune solution évidente et immédiate n’existe, 3 types de réactions sont possibles. C’est le « fight / flight / freeze » :
- Fight : réagir, mais de façon disproportionnée (en parapente : surpilotage),
- Flight : prendre la fuite (impossible en vol),
- Freeze : c’est l’état de sidération (passivité complète, pas de pilotage
La sidération peut se définir ainsi : « état involontaire et temporaire d’inhibition en réponse à une situation dans laquelle un individu ressent une peur intense ». Elle provoque la mise en place de mécanismes psychologiques et neurobiologiques exceptionnels dans le but de protéger la personne du traumatisme (sorte de mise à distance, de viscosité mentale).
Pour éviter de se retrouver en situation de surpilotage ou de sidération, il est important de se préparer à faire face à des évènements non prévus. Les stages SIV permettent de s’exercer aux manœuvres d’urgence et de secours. La préparation mentale est un outil très utile aussi.
Lors de cross, de vols longs, il est impératif de rester proactif en s’activant au moins toutes les 15min. Par exemple en mangeant, en buvant, en refaisant le témoin secours (parcours jusqu’à la poignée).
Les 3 manœuvres d’urgence :
- En cas de fermeture : « contre » = mettre son poids dans la sellette du côté opposé,
- En cas de virages 360 que l’on n’arrive pas à stopper : « contre »,
- En cas d’abattée : « tempo »,
- Et toujours maintenir son cap.
La manœuvre de secours = tirer son secours.
C’est important de vérifier que le PTV du pilote correspond à maximum 85% du PTV max du secours pour qu’il ralentisse suffisamment la chute. Il faut aussi se préparer en se formant à tirer le secours, affaler la voile pour éviter l’effet miroir, atterrir bien debout sur les jambes avec possiblement un roulé boulé. Des vidéos de démonstrations existent et il est utile de se préparer mentalement en s’imaginant en situation et en visualisant les différentes étapes, les gestes à réaliser.
Si malgré tout, la sidération s’installe, il est possible « d’exploser sa bulle de sidération », en 3 temps :
- Expirer fortement pour se reconnecter à son corps (sidération coupe la respiration),
- Identifier le problème et le crier à haute voix (par ex « fermeture à gauche »),
- Agir avec une manœuvre d’urgence et l’énoncer à haute voix (par ex « contre », « tempo »)
ou avec une manœuvre de secours (« secours »).
Comme pour la manœuvre de secours, il est utile de se préparer mentalement aux manœuvres d’urgence et de visualiser mentalement les étapes et réactions à mettre en place. Ainsi, en cas de besoin, ces infos stockées dans notre cerveau, seront facilement mobilisables.
Infos en vrac : la dépendance à l’adrénaline existe et peut toucher des pilotes de parapente et porter des couches pour des cross de plus de 3h peut être une bonne option (comme Thomas Pesquet en sortie extravéhiculaire !)